A la hauteur d’un petit d’homme

Après avoir dévoré (au sens propre) de nombreux bulletins rangés près de la porte du bureau de l’équipe, j’ai eu envie d’écrire à mon tour mon témoignage de la vie à Magnificat, à hauteur d’un petit d’homme de 14 mois !! Alors si vous le voulez bien, je vous emmène en vadrouille avec moi dans la maison.

Il est 18 heures, je rentre de ma journée de travail chez ma nounou, avec ma maman qui revient du lycée. J’aime quand la porte s’ouvre, retrouver les odeurs, les sons et les visages de ma maison. Eh oui, c’est vraiment ma maison, car j’y vis depuis ma naissance (et bien avant dans le ventre de ma maman !), et en ce moment j’y peaufine mes premiers pas trébuchants sous les acclamations de mes admiratrices.

En passant le seuil, je retrouve tous les visages qui font mon quotidien, et surtout, mes grands (et plus petits) copains. Leurs sourires quand je rentre me donnent de la joie ! B., qui a neuf mois, me suit partout à quatre pattes ; c’est mon compagnon de découvertes, je le retrouve au relais d’assistantes maternelles, et à la sortie des écoles avec nos nounous nous refaisons le monde dans nos poussettes. Faisons donc cette promenade ensemble !

Allons à la cuisine, si le cœur vous en dit ; cette pièce est l’une de mes favorites, j’y trouve tant de vie, je cherche à attraper sur la table tout ce qui pourrait satisfaire mon palais curieux, et les odeurs y sont si bonnes ! Je suis souvent volontaire pour vider le lave-vaisselle, mais étonnamment on m’interrompt toujours en plein travail. Ce soir c’est A. qui cuisine, et sa fille C. m’appelle de sa chaise haute avec un grand sourire : elle, c’est la princesse de la maison, et malgré sa fin de varicelle elle est si belle… une nouvelle petite princesse vient d’arriver dans la maison il y a quelques jours, D., et je vous avoue que ce fut un choc pour moi : en effet, sa maman E. dont les bras m’ont si souvent accueilli, qui a tant joué avec moi, se retrouve fort occupée, et les bras pleins !! Ah, on est bien vite détrôné… mais je suis sûr que si je suis patient, quand elle sera moins fatiguée, je retrouverai une nouvelle place dans sa vie ! Un autre bébé tout juste arrivé, F., dort dans les bras de sa maman. J’attends qu’il dorme moins pour faire vraiment connaissance. En tous cas, maman dit que quand j’étais petit, j’avais un peu les mêmes grands yeux intenses et le même regard sérieux et concentré.

Tiens, j’entends la sonnette de la porte d’entrée… voyons voir… Qui est cette personne qui vient dans ma demeure ? Je lui jette un regard indifférent qui cache ma curiosité et mon intense questionnement… Ah, c’est une livraison, sûrement pour G. qui déménage bientôt… H. son fils, que je berce en chantonnant lorsqu’il est dans sa balancelle, va bien me manquer ; parfois, au dîner, quand je suis dans ma chaise haute, on discute tous les deux et il sourit : on s’aime bien !

Excusez-moi un instant… qui vois-je là-bas près de la porte vitrée qui donne sur le jardin ? Thérèse !! Ma stagiaire préférée ! Je lui fais mon numéro pour qu’elle me prenne dans ses bras, et, oui, elle se penche vers moi, et hop, je prends de la hauteur ! De là-haut, je vois Marine dans le jardin qui met la dernière main au parterre de fleurs. Cette vision me remplit d’allégresse, et si je m’y prends bien, Thérèse va comprendre qu’elle ne me ferait pas de plus grand plaisir que de m’emmener avec elle au jardin. Il faut vous dire que je suis un grand spécialiste du jardinage, Marine me transporte souvent en brouette sur nos chantiers où je nettoie les pierres, je gratte, je goûte les herbes et les fleurs. Je suis assez indispensable, et pétri de mon importance je me tiens fièrement dans ma brouette et vous adresse un salut à la romaine. J’ai d’ailleurs souvent entendu ma maman se demander si elle devait me donner le titre de prince, de roi ou d’empereur, et maintenant que je conquiers le vaste monde, je la comprends.

Quelques gouttes de pluie sur le jardin, magnifique en ce mois de mai, sonnent la retraite à l’intérieur : reprenons la visite. Allons voir B. qui joue dans son parc ; je vais lui montrer comment on fait de la mosaïque en me servant dans les placards de la salle d’activités, si on m’en laisse le temps cette fois-ci. Cette salle est un endroit merveilleux. On y trouve des choses extraordinaires, des pelotes de laine, des aiguilles, des placards remplis de tissus, de peinture, de feutres et de papiers… En fait, cette pièce de la maison me donne envie de grandir, car pour le moment je vois bien que ma marge de manœuvre y est réduite ; on doit douter de mes talents… En tous cas, je m’y fais souvent interrompre en pleine exploration, malgré mes protestations sonores et indignées. Mais je ne me plains pas, ici, il y a tant de bras pour me porter, tant de voix qui m’encouragent à marcher, à parler, tant de regards qui veillent sur moi.

Ah, la cloche du repas sonne : moment béni ! Autour de la table, je retrouve tous les visages aimés ! Depuis peu, je mange « comme les grands », et n’essayez plus de me faire avaler un petit pot. Non mais ! Je suis l’aîné dans cette maison et je ne suis pas loin de savoir manger tout seul à la cuillère. Avec B. et C., bien que fatigués, nous devisons sur nos repas respectifs, je leur donne des conseils et nous confrontons nos points de vue sur la vitesse à laquelle la cuillère devrait arriver à notre bouche, sur les délais d’attente tolérables entre les plats. Ce soir où la fatigue ne m’a pas surpris dans ma chaise haute, finissons ensemble la visite pendant que tout le monde est occupé à ranger.

Continuons dans le couloir : à gauche, la porte qui donne sur l’escalier qui descend à la réserve ; depuis que je vadrouille à ma guise, elle est toujours fermée ; en bas j’ai cru comprendre que c’était un endroit stratégique, magique ; toutes y descendent les bras vides et remontent chargées de victuailles : cela n’échappe pas à mon œil aguerri ! Patience… un jour je saurai descendre et monter les escaliers. Le monde est plein de promesses.

Un peu plus loin sur la droite, l’ordinateur des mamans, qui semble fonctionner beaucoup moins bien depuis que je me suis discrètement mis à l’allumer et à l’éteindre plusieurs fois de suite avec beaucoup de conviction. En face, mon lieu de contemplation et de rêverie : la buanderie. Au fond, y trône une drôle de machine qui régulièrement se met à tourner très vite, créant en moi un abîme de perplexité. S’y trouve aussi le seau de la serpillère, où j’ai plusieurs fois tenté sans succès de prendre mon bain en totale autonomie.

Mes pas me mènent au bureau…

Je contemple la pile de bulletins classés sur l’étagère.

Je suis fier de moi : ce témoignage fera passer mon nom à la postérité !

C’est maintenant pour moi l’heure de monter me coucher.

Du milieu des marches, dans les bras de ma maman chérie, je vous salue !