J’ai appris de manière très soudaine que j’étais enceinte de 4 mois. J’étais déjà maman d’une petite fille de 10 mois et en pleine formation d’éducatrice spécialisée. Je venais de me séparer du papa et, bien que la situation entre nous se soit apaisée, cette nouvelle grossesse avancée m’a plongée dans le désarroi. Elle a ravivé en moi de profondes angoisses et de vieux traumatismes. Je n’arrivais pas à ressentir de l’amour pour ce deuxième enfant qui grandissait en moi, mon corps le rejetait et mon esprit était trop bouleversé pour envisager un avenir avec lui.
Je me souviens encore du jour où j’ai franchi la porte de Magnificat : mes valises, ma grande fille et un ventre presque encore invisible. J’ai décidé de m’installer là-bas mais j’hésitais entre les avantages et les inconvénients : abandonner ma formation, me rapprocher de ma famille ou choisir un environnement plus neutre, vivre en communauté après six ans de vie seule… Au début, je pensais y rester quelques semaines seulement, le temps de trouver un équilibre avec mon deuxième enfant et de m’affirmer face au papa. Finalement, j’y suis restée pendant 10 mois, voyant les saisons se succéder et observant mon évolution aux côtés de mes enfants.
En prenant du recul, je réalise que les deux premiers mois ont été les plus difficiles. Je me demandais ce que je faisais là, je n’avais pas encore créé de liens avec les autres mamans, je regrettais d’avoir arrêté ma formation mais surtout je me sentais mal à l’aise d’être accompagnée par des éducatrices plus jeunes que moi et qui avaient fait la même formation que moi. Les repas en commun me rendaient nerveuse car je n’avais plus l’habitude de manger accompagnée et les règles de la maison : horaires fixes, jours de ménage, les courses, les menus à prévoir… me déstabilisaient, et je stressais à l’idée que les éducatrices observent mes réactions face au comportement de ma fille.
Les deux mois suivants, j’ai vécu un mois à la maison de Ligueil. Ce temps m’a permis de mieux comprendre le fonctionnement de Magnificat. J’ai commencé à saisir plus clairement ses missions, le rôle de chacun, et j’ai noué une relation de confiance avec l’équipe et les mamans. J’ai pu accoucher près de ma famille, entourée de ma maman, ce qui a été très éprouvant, notamment avec le papa.
À mon retour à Laval, avec mes deux enfants, je me sentais plus sereine. J’ai décidé de commencer les démarches juridiques pour discuter de la garde des enfants. Bien que cela semble simple, en réalité, c’est un processus compliqué. Il a impliqué de faire le deuil d’une relation, d’introduire la justice dans ma famille et de risquer de voir mes fragilités exposées au grand jour mais je pense que c’était la meilleure décision.
Les deux mois qui ont suivis ont été intenses : jongler entre la vie avec deux enfants au quotidien, l’allaitement de ma petite, l’apprentissage de la propreté de ma grande, les demandes de logement social et la recherche d’une crèche pour pouvoir reprendre ma formation.
Lors de mon passage à Magnificat, j’ai tissé des amitiés profondes avec des mamans que j’ai vues arriver, évoluer, douter et même parfois se décourager mais jamais abandonner. J’ai vu des enfants naître, des jeunes filles devenir mères. Ces mois ont été riches en moments partagés, à la fois drôles et moins plaisants car la vie en communauté n’est pas toujours facile. Ça m’a aussi permis de mieux me connaître, d’apprendre à vivre et à accepter mes fragilités. J’ai appris à ne pas fuir dans le travail ou les études, mais à affronter mes pensées et mes souvenirs. Aujourd’hui, je vis sans renier mon passé, en acceptant tout ce que j’ai vécu car c’est ce qui m’a construite et fait de moi celle que je suis aujourd’hui.
Bien que de nombreuses blessures soient encore présentes, je me sens mieux armée pour les surmonter. Merci à Magnificat de m’avoir permis de renouer avec une image positive de moi-même. J’ai eu la chance d’être accueillie telle que j’étais, avec tout ce que je portais.
Merci mille fois !