Peux-tu nous parler de ton enfance et de ton passé ?
Mon histoire est marquée par des blessures profondes. Mon enfance et mon adolescence n’ont pas été faciles. Par pudeur et par choix, je préfère ne pas revenir en détail sur ces années difficiles. Aujourd’hui, ce qui m’importe, ce n’est pas ce que j’ai traversé, mais ce que je suis en train de construire. Je veux me tourner vers l’avenir, avancer, et surtout offrir à mon fils une vie meilleure que celle que j’ai connue.
As-tu toujours voulu être maman ?
Oui, c’était un vrai choix. J’ai toujours eu ce désir d’être maman jeune. Pour moi, il était important que mon enfant grandisse avec une mère présente, proche de lui, capable de comprendre ses émotions et de l’accompagner pleinement. Je voulais offrir ce que je n’ai pas forcément reçu.
Comment as-tu découvert que tu étais enceinte ?
C’est à travers des nausées, des vertiges et un sentiment étrange que j’ai commencé à soupçonner ma grossesse. Après avoir fait quelques recherches, j’ai réalisé plusieurs tests et quand le résultat est tombé, j’ai ressenti un choc : oui, j’étais enceinte. J’ai ressenti un mélange de bonheur, de peur mais surtout de panique… Car à ce moment-là, j’étais à la rue, sans aucune stabilité.
Peux-tu nous parler de ta vie avant ton arrivée à Magnificat, et de ta relation avec le père de ton enfant ?
Avant je vivais dans la rue avec le père de mon enfant, par amour, je l’ai suivi dans cette vie d’errance. On squattait là où on pouvait, on cherchait un coin pour dormir, un toit, un peu de chaleur. C’était une existence précaire et instable. Mais quand j’ai su que j’étais enceinte, quelque chose en moi a changé. J’ai compris qu’il me fallait sortir de cette spirale, trouver un endroit sécurisé, où mon bébé pourrait naître et grandir sainement. Vivre dans la rue est une épreuve de chaque jour : trouver à manger, accéder à des toilettes, rester propre, survivre.
J’ai rencontré cet homme par l’intermédiaire de ma meilleure amie et à nos débuts, tout allait bien. Mais très vite, il a changé. Il est devenu colérique, jaloux, et très dur dans ses paroles. Pendant ma grossesse, j’avais besoin de soutien, d’écoute, d’un minimum de douceur face aux bouleversements que je vivais, mais je ne l’ai pas trouvé auprès de lui. Au lieu d’être présent et bienveillant, il s’éloignait. Lorsque je partageais mes inquiétudes ou que je me plaignais de douleurs – ce qui arrivait souvent, car ma grossesse n’était pas facile – il ne montrait aucune empathie. Pire encore, il réagissait avec agressivité : il me criait dessus, comme si ma souffrance l’agaçait ou l’embarrassait. Malgré tout, il a reconnu notre fils et a assisté à sa naissance.
Comment as-tu connu la maison Magnificat ?
Après ma prise de conscience j’ai passé de nombreux appels, exploré toutes les pistes possibles. Et après avoir cherché de l’aide sans relâche, j’ai découvert l’association Magnificat. C’était ma bouée de sauvetage. J’étais enceinte de six mois quand j’ai intégré la maison d’accueil. Je craignais de ne pas m’intégrer, de ne pas m’adapter aux règles, mais j’ai été accueillie avec bienveillance. Ce lieu a représenté un véritable tournant dans ma vie : un endroit stable, sécurisé, bienveillant, pour moi et pour mon bébé.
Une fois installée avec mon fils, j’ai pu souffler un peu. Les accompagnatrices m’ont énormément soutenue : dans les démarches administratives, dans mon rôle de mère, dans la recherche de logement. Elles ont répondu à mes doutes, mes inquiétudes, et m’ont aidée à retrouver confiance en moi. J’ai aussi noué de vrais liens, notamment avec une autre maman qui est aujourd’hui une amie.
Peux-tu nous raconter ton accouchement ?
Un matin, j’ai perdu du sang et ressenti des douleurs au ventre. Les accompagnatrices m’ont immédiatement emmenée à l’hôpital. Les contractions ont commencé à 13h, j’ai eu la péridurale à 17h, et j’ai accouché à 20h18, le 16 juin. Quand mon fils est né, je n’ai pas ressenti tout de suite cet amour immense dont on parle souvent. Il m’a fallu du temps pour réaliser, pour créer ce lien. Aujourd’hui, ce lien est là, fort, indestructible. Mon fils est toute ma vie.
Comment vis-tu ton quotidien de maman ?
Être maman a bouleversé ma vie. Avant, j’étais insouciante, je sortais, je profitais. Aujourd’hui, je suis souvent fatiguée, je dois être organisée, réactive, responsable. Mon fils est très dynamique, C’est un grand changement, un nouveau rythme. Si je regrette quelque chose, c’est d’avoir eu un enfant avec la mauvaise personne, mais jamais je ne regretterai mon fils. Si c’était à refaire, je referais ce choix, sans hésiter.
Quel est ton lien avec ta famille aujourd’hui ?
Ma mère a mis du temps à accepter ma grossesse, mais elle m’a soutenue. Nous sommes toujours en contact, même si elle habite à Tours et ne peut pas venir souvent. Elle est venue deux fois à Laval, pour me voir enceinte puis rencontrer son petit-fils. Nous parlons régulièrement en visio. En revanche, avec le reste de ma famille, c’est plus compliqué. J’ai une grande sœur, mais nous avons pris des chemins très différents. Elle connaît l’existence de mon enfant, mais ne s’y intéresse pas.
As-tu un message pour d’autres jeunes femmes dans ta situation ?
À toutes les jeunes femmes qui vivent une situation comme la mienne, je veux dire : n’abandonnez jamais. Même dans les moments les plus sombres, même quand on croit que tout est perdu, il y a toujours une lumière, quelque part. Il faut s’y accrocher, chercher de l’aide, et croire en un avenir meilleur. Être maman, c’est une force immense. Ce n’est pas facile, mais c’est un amour sans limites.
Aujourd’hui, je me bats pour que mon fils ne vive jamais ce que j’ai vécu. Je veux qu’il soit fier de moi, qu’il ait une vie sereine, qu’il soit entouré d’amour. Et je serai toujours là pour lui, une maman forte, aimante, et présente.
Lili.